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Pas d’endroit sûr : Comment la crise du logement laisse tomber les survivantes de la violence et les refuges qui les soutiennent

06 Fév 2025

Guest Author

Robyn Hoogendam - Hébergement femmes Canada, responsable de la recherche et des politiques

Dans tout le pays, la crise du logement accroît la précarité des personnes les plus vulnérables de nos collectivités. Cela est particulièrement vrai pour les personnes qui vivent dans des situations de violence, qui fuient la violence ou qui tentent de guérir et d’aller de l’avant après avoir subi de la violence. Lorsque ces personnes ne peuvent accéder à des espaces sûrs et abordables en raison du coût élevé du logement et de la rareté des options, leur vie est mise en danger.

Les refuges pour les femmes victimes de violence (RFVV) au Canada signalent qu’ils sont contraints de refuser plus de femmes, d’enfants et de personnes issues de la diversité des genres que par le passé. Selon l’enquête annuelle de 2024 d’Hébergement femmes Canada (HFC) auprès des refuges, 97 % d’entre eux ont déclaré que l’aide aux survivantes pour qu’elles trouvent un logement au cours des 12 derniers mois s’est avérée plus difficile. Bon nombre ont constaté que les survivantes restaient plus longtemps dans les refuges, car elles n’étaient pas en mesure de trouver des logements abordables. Alors que les refuges d’urgence pour les victimes de la violence à l’égard des femmes ont souvent des durées de séjour maximales de 30 à 90 jours, ils offrent de plus en plus d’espace pour des périodes beaucoup plus longues. Le fait que les victimes restent plus longtemps dans les refuges contribue à créer un engorgement qui empêche de nouvelles personnes d’accéder à la sécurité.

Lorsque les survivantes ne sont pas en mesure d’accéder à un lieu sûr, il ne leur reste que des options terribles et souvent dangereuses. Elles doivent choisir entre rester dans un logement précaire en surfant sur un canapé ou en vivant avec des amis ou de la famille, échanger du travail ou du sexe contre un logement, devenir sans-abri ou retourner auprès d’un agresseur. Ces décisions, que personne ne devrait avoir à prendre, sont encore plus complexes pour les survivantes qui ont des enfants.

Les survivantes qui parviennent à trouver un refuge d’urgence et à s’y installer restent plus longtemps dans des espaces qui ne sont pas conçus pour de longs séjours. De nombreux refuges ont des règles, telles que des couvre-feux et d’autres restrictions pour assurer la sécurité des résidents et du personnel, qui peuvent sembler contraignantes à la longue. Les refuges voient de plus en plus de survivantes partir pour un logement qui ne répond pas à leurs besoins, par exemple un logement qui n’est pas adapté à la taille de leur famille, qui n’est pas sûr ou qui n’est pas abordable.

Tout cela a des conséquences désastreuses, voire fatales, pour les survivantes. Dans le même temps, le secteur des RFVV en subit les conséquences et sa capacité à offrir des espaces de sécurité s’en trouve affectée. Les personnes interviennent dans ce secteur pour soutenir les victimes de violence, et non pour leur dire qu’il n’y a pas de place. Cette dynamique est l’un des facteurs qui contribuent à l’aggravation de problèmes de santé mentale et à l’épuisement du personnel de la lutte contre la violence à l’égard des femmes, ainsi qu’à l’augmentation de leur taux de rotation. Ces personnes qualifiées sont essentielles à la poursuite de ce travail qui sauve des vies.

Pour soutenir l’expansion des places dans les refuges, HFC a travaillé avec des refuges dans tout le pays pour développer des logements de seconde étape. Les refuges de deuxième étape, ou logements de transition, sont à plus long terme, souvent jusqu’à 18 mois ou 2 ans. Il s’agit de programmes qui comprennent un logement, bien qu’ils favorisent souvent plus l’autonomie que les refuges d’urgence (par exemple, des logements de type appartement). Les refuges n’ont souvent pas les connaissances nécessaires pour s’orienter dans le processus de développement de logements, de sorte que l’aide à la gestion de projet, la rédaction de demandes de subventions et le partage des connaissances par HFC ont été essentiels pour développer de nouveaux logements.

Le développement de logements de seconde étape signifie qu’il y a plus d’espaces pour que les survivantes puissent prendre le temps dont elles ont besoin pour guérir. Cela ajoute également des logements et des lits nécessaires au secteur des refuges à travers le pays. Bien que HFC soit un fervent partisan de l’augmentation du nombre de places dans les refuges, nous savons qu’il faut aller plus loin pour répondre aux besoins des survivantes en matière de logement. Nous avons besoin que tous les gouvernements répondent à la crise du logement, en veillant à ce que les survivantes de la violence puissent vivre un avenir sans violence. Les principales recommandations qui permettraient de soutenir les personnes victimes de violence sont les suivantes :

  • Le développement de 50 000 logements sociaux chaque année au cours des dix prochaines années. Ces logements doivent être destinés aux personnes les plus vulnérables, notamment celles qui fuient la violence et celles qui sont en situation d’itinérance.
  • Le renforcement de l’aide au revenu pour les personnes vivant dans la pauvreté.
  • L’augmentation de l’Allocation canadienne pour le logement pour les survivantes de la violence sexiste.
  • Un volet de l’Initiative pour la création rapide de logements destiné aux logements à faibles barrières répondant aux besoins des femmes et des personnes issues de la diversité des genres. Il s’agit d’un financement destiné à faciliter la construction rapide de nouveaux logements et la rénovation des bâtiments existants.

Les refuges HFC font tout ce qu’ils peuvent compte tenu de l’état actuel des logements, mais sans solutions globales menées par le gouvernement, ils continueront à fonctionner au-delà de leur capacité et seront obligés de refuser des survivantes. Comme l’a confié un responsable de refuge à HFC, « Ce travail sur les refuges ne résoudra pas l’obstacle permanent que constitue le manque de logements abordables ou durables pour les femmes et les enfants. Cette crise continue de mettre en lumière le manque de logements disponibles et les obstacles auxquels se heurtent les personnes marginalisées. À cause de cela, nous continuerons à voir le nombre de féminicides augmenter. »