Le logement communautaire a un problème de taille
21 Nov 2024
Ray Sullivan, Executive Director
Parlons de taille. Parlons de la taille du secteur du logement communautaire et de la taille de nos fournisseurs de logements.
Alerte au divulgâcheur : nous sommes trop petits dans les deux cas.
La plupart des personnes qui travaillent dans le secteur du logement communautaire connaissent l’histoire : la croissance était fulgurante jusqu’à la fin des années 80 et au début des années 90, lorsque le gouvernement fédéral s’est retiré de la construction de nouveaux logements sociaux. La plupart des provinces n’ont pu combler le vide ; dans certaines d’entre elles, le fossé s’est creusé.
De 15 à 20 % de l’ensemble des mises en chantier certaines années, le logement social est devenu pratiquement inexistant. Nous sommes passés de la moyenne de l’OCDE et du G7 où le logement social représentait environ 8 % de l’ensemble des habitations à notre position actuelle de moins de 4 %.
Nous voyons aujourd’hui le résultat de ces coupes, avec une crise du logement et de l’itinérance sans précédent qui touche toutes les communautés.
Le secteur du logement communautaire au Canada accomplit un travail incroyable, mais nous savons que ce n’est pas suffisant.
Nous célébrons chaque goutte dans le seau, heureux que le seau soit un peu moins vide. Mais très peu d’entre nous fonctionnent avec une vision d’envergure, très peu d’entre nous ont compris comment ouvrir le robinet et remplir le seau jusqu’au bout.
L’ACHRU demande au Canada de plus que doubler l’offre de logements communautaires au cours de la prochaine décennie, puis de viser 20 % de tous les logements au cours de la génération suivante.
Nous disposons de preuves solides de l’impact positif d’une telle mesure. Maintenir le logement communautaire à seulement 7 % de la part de marché stimulerait la productivité économique de 5,7 % à 9,3 % et ajouterait un montant annuel impressionnant de 67 à 136 milliards de dollars à l’économie, sans faire grimper l’inflation.
En améliorant la productivité économique, l’augmentation du nombre de logements communautaires améliore la qualité de vie de toute la population au Canada.
Alors pourquoi n’avançons-nous pas dans cette direction ? Peut-être que la petite taille du secteur communautaire est un obstacle à la croissance.
Quelle est la taille idéale ?
Au début de ma carrière, j’ai souvent entendu des gens demander « quelle est la taille idéale d’un fournisseur de logements communautaires ? » Je n’avais pas de réponse à l’époque, et je n’en ai toujours pas.
Mais j’ai appris un certain nombre de choses au cours des 25 dernières années, à propos de l’envergure, de la capacité, de la résilience et de l’ambition.
La réponse la plus simple à cette question est probablement « plus grande ». Nous ne pourrons pas atteindre 20 % ou même 10 % de l’offre de logements en créant davantage de petits fournisseurs de logements opérant avec moins de 100 unités.
La taille est synonyme de capacité, et la taille est synonyme de résilience.
Il y a des années, j’ai eu la chance de travailler pour le Centretown Citizens Ottawa Corporation (CCOC). Celui-ci gérait environ 1 200 logements lorsque j’ai rejoint son personnel, et il est passé à environ 1 800 au moment de mon départ (le mérite de cette croissance revient à d’autres personnes). J’ai vu comment la taille peut être un facteur décisif de succès.
Laissez-moi vous donner un exemple : un mauvais jour, un réservoir d’eau chaude a explosé au septième étage d’un immeuble d’habitation, inondant près d’une douzaine de logements en contrebas.
Dans le schéma du logement communautaire typique, composé d’un seul bâtiment et employant un réceptionniste et un ou deux agents d’entretien, l’ensemble de l’équipe aurait dû consacrer sa semaine à gérer une telle situation d’urgence, tout le reste devant être reporté.
Dans notre plus grande association, qui emploie 65 personnes, j’étais au courant des inondations en tant que directeur général, mais cela n’a rien changé à ma liste de choses à faire pour la journée. Nous avons envoyé une partie de notre personnel d’entretien sur les lieux de l’inondation, le personnel de bureau a appelé notre assurance, et d’autres ont contacté les locataires pour prendre de leurs nouvelles et discuter d’un relogement temporaire. Pendant ce temps, le reste de l’équipe a pu répondre aux appels d’entretien habituels, y compris des choses dans ce bâtiment qui n’étaient pas liées à l’inondation, nous avons continué à signer de nouveaux baux et à percevoir les loyers ; 90 % du personnel a poursuivi sa journée sans interruption. C’est la résilience qui vient avec la taille.
La deuxième chose que j’ai apprise, c’est qu’il n’y a pas qu’une seule façon de croître. Il y a plusieurs dizaines d’années, on supposait que chaque organisation devait tout faire : développement immobilier, entretien, location, gestion des actifs, développement communautaire et, dans de nombreux cas, soutien et soins de santé. Il n’y a aucun moyen pour une petite organisation, avec un personnel limité, d’avoir une expertise dans tous ces domaines en même temps. Et ce n’est pas nécessaire.
Je vois de plus en plus d’exemples d’organismes de logement communautaire qui s’associent pour bénéficier des avantages de mettre en commun les ressources. Le Community Land Trust BC en est un excellent exemple, tout comme le réseau croissant de fiducies de logements communautaires à travers le pays : des organisations qui se concentrent sur la croissance, le développement et la gestion des actifs, permettant à d’autres organisations à but non lucratif et à des coopératives de se concentrer sur les opérations.
Je vois des organisations comme Cahdco, Flourish et M’akola Development Services offrir leurs compétences en matière de développement immobilier à but non lucratif au reste du secteur, et davantage d’accords de services interagences pour l’entretien, les soutiens sociaux et d’autres expertises.
Ce sont là autant de moyens d’atteindre une certaine échelle, de renforcer la résilience et d’accroître l’offre de logements communautaires.
Bien que je n’aie toujours pas de réponse à la question « quelle est la taille idéale », je commence à me demander si cette question n’est pas l’une des choses qui nous empêchent d’avancer. Peut-être que la bonne question est « quels sont les obstacles à la croissance ? »
Notre ambition est-elle à la hauteur des besoins ?
Imaginez deux parcelles de terrain très similaires, dans la même ville. Imaginez deux associations distinctes, chacune sur le point de commencer la construction sur l’un de ces terrains.
La première association a maximisé son financement public et vise à ce que 50 % des logements soient très abordables (moins de 750 $/mois), un autre quart à 80 % du loyer moyen du marché (LMM) et le reste au loyer moyen.
Le second organisme sans but lucratif a également maximisé son financement à partir de sources publiques, mais il vise un immeuble dont 25 % des logements sont loués à 750 $/mois, 25 % à un loyer inférieur au loyer moyen du marché, et la moitié des logements à un loyer de pleine valeur marchande.
Quelle est l’organisation à but non lucratif qui réussit le mieux à remplir sa mission ?
La plupart d’entre nous répondraient rapidement que c’est la première association, qui se concentre sur l’accessibilité.
Mais si je vous disais que les projets sont de taille différente ?
Le premier organisme sans but lucratif construit 100 logements, dont 50 à 750 $/mois, 25 à 80 % du LMM et 25 au LMM.
La seconde association à but non lucratif construit 200 logements. Il y aura également 50 logements loués à 750 $/mois, 25 logements à 80 % du LMM, 25 logements au LMM, mais il y aura 100 autres logements loués au prix courant.
Quelle est l’organisation à but non lucratif qui accomplit le mieux sa mission ?
Elles ont toutes deux maximisé les possibilités de financement public et elles produisent exactement le même nombre de logements abordables.
Le second, en revanche, génère également des revenus plus importants, qui permettront de maintenir le bâtiment à une qualité supérieure dans les décennies à venir. Elle peut embaucher plus de personnel et générer des économies qui permettront de financer la prochaine construction.
Les deux associations font de leur mieux avec les ressources publiques, mais la seconde a également créé des possibilités futures pour encore plus de logements. Je dirais que la seconde association accomplit mieux sa mission et que son ambition montre une envergure dont nous avons tous besoin.
Je ne pense pas que j’aurais dit cela il y a dix ans. Et je sais que nous n’avons pas tendance à penser de cette manière dans le secteur du logement communautaire.
Ainsi, à l’occasion de la Journée nationale du logement, parlons de notre taille et de notre responsabilité dans l’augmentation de l’offre de logements sociaux. Nous devons devenir plus gros, soit environ 20 % de l’ensemble de l’offre de logements. Le pays tout entier compte sur nous.