
Guider avec détermination : Jackie Hunt sur le logement autochtone, la défense des droits et le développement de collectivités plus fortes
10 Avr 2025
Vena Beckford, Director of Indigenous Housing Policy and Programs
J’ai eu la chance de m’asseoir avec Jackie Hunt, présidente du Caucus autochtone de l’ACHRU, pour discuter de son parcours dans le leadership communautaire, de la défense du logement autochtone et de la voie à suivre pour lutter contre l’itinérance. Jackie présente ses idées sur les défis, les triomphes et la vision qui motivent son engagement, de ses premières expériences dans le service public à son travail sur la scène nationale.
Vena : Jackie, c’est un plaisir de vous recevoir aujourd’hui. Pour commencer, pourriez-vous nous parler du parcours qui vous a menée à votre poste actuel de directrice principale de la stratégie et de l’impact à End Homelessness Winnipeg ?
Jackie : Merci de m’accueillir, Vena ! Mon cheminement vers ce poste a été façonné par un engagement profond envers le service communautaire et la justice sociale. Avant de me joindre à End Homelessness Winnipeg, j’ai eu le privilège de travailler avec plusieurs organismes qui m’ont permis de m’engager directement auprès des collectivités dans le besoin. J’ai cofondé le Kindred Project, un organisme sans but lucratif qui fournissait régulièrement des produits aux personnes en situation de pauvreté, ce qui m’a appris l’importance de répondre à la fois aux besoins immédiats et aux problèmes systémiques. J’ai également passé de nombreuses années en tant que directrice générale de Volunteer Manitoba, où j’ai eu la chance de construire des réseaux et de créer des partenariats dans toute la province pour renforcer le bénévolat et le soutien communautaire.
Parallèlement, j’ai été élue à la municipalité rurale de Ritchot et comme directrice du logement de la Fédération des Métis du Manitoba, ce qui m’a permis d’acquérir une connaissance approfondie de la gouvernance locale et des défis auxquels sont confrontées les collectivités.
Cette combinaison d’expériences, associée à un profond désir d’avoir un impact durable, m’a conduit à End Homelessness Winnipeg. Dans mon rôle de directrice principale de la stratégie et de l’impact, j’ai eu l’occasion de me concentrer sur la création de solutions durables pour les personnes itinérantes.
Vena : En réfléchissant à votre mandat de maire de la municipalité rurale de Ritchot, quels ont été les principaux défis auxquels vous avez été confronté et comment ces expériences ont-elles influencé votre approche du leadership communautaire ?
Jackie : L’un des principaux défis consistait à gérer les attentes d’une population diversifiée. Les collectivités rurales sont souvent confrontées à des défis uniques, tels que des ressources et un accès aux services limités, ce qui nécessite une approche créative et pratique de la gouvernance. J’ai rapidement compris qu’un leadership efficace ne consistait pas seulement à répondre aux préoccupations immédiates, mais aussi à trouver des solutions à long terme.
Un autre défi majeur a été de naviguer dans les complexités de la prise de décision municipale. Il fallait parvenir à un consensus entre les membres du conseil, les parties prenantes et la population, en particulier sur les questions qui nécessitaient des décisions difficiles, telles que les réductions budgétaires ou la priorisation de certains projets. Cela m’a appris l’importance d’écouter, de vraiment écouter, les besoins de la collectivité et d’être transparent sur les défis auxquels nous sommes confrontés.
Ces expériences ont profondément influencé mon approche du leadership. Il ne s’agit pas de tout savoir, mais de responsabiliser les autres, de renforcer la confiance et de favoriser la collaboration. Il faut également prendre des décisions difficiles, lorsque c’est nécessaire, mais toujours en se concentrant sur ce qui est bon pour les personnes que l’on sert. Ces leçons continuent de me guider dans mes fonctions actuelles, où je me concentre sur la création de solutions significatives, axées sur la collectivité, pour lutter contre l’itinérance et d’autres problèmes sociaux.
Vena : Votre vaste expérience dans le secteur à but non lucratif comprend le poste de directrice générale de Volunteer Manitoba et la cofondation du Kindred Project. Comment ces fonctions ont-elles façonné votre point de vue sur la lutte contre l’itinérance et le développement communautaire ?
Jackie : Mes fonctions dans le secteur à but non lucratif, notamment en tant que directrice générale de Volunteer Manitoba et cofondatrice du Kindred Project, ont joué un rôle important dans l’élaboration de mon point de vue.
À Volunteer Manitoba, j’ai eu l’occasion de travailler en étroite collaboration avec des organismes communautaires et des bénévoles de toute la province. Cette expérience a renforcé l’idée que le développement communautaire est un effort collectif, qui s’épanouit lorsque divers individus et organisations travaillent ensemble. J’ai vu de mes propres yeux comment le bénévolat peut créer un changement social positif, mais aussi comment des problèmes profondément systémiques nécessitent des efforts soutenus et coordonnés. Cela m’a fait prendre conscience que la lutte contre l’itinérance ne consiste pas seulement à apporter une aide immédiate, mais aussi à s’attaquer aux problèmes systémiques plus vastes qui y contribuent.
La cofondation de Kindred a été une expérience profondément personnelle et marquante pour moi. Elle a mis en lumière le pouvoir des initiatives communautaires pour répondre aux besoins immédiats, comme l’offre régulière de produits aux personnes dans le besoin. Cependant, elle a également renforcé l’importance de répondre aux besoins à long terme et de créer des espaces où toutes les voix sont entendues. Grâce à cette expérience, j’ai compris l’importance de veiller à ce que chaque initiative soit conçue de manière à respecter la dignité et à promouvoir l’autosuffisance.
Ces deux rôles m’ont appris que le développement communautaire nécessite une approche à multiples facettes, qui combine des actions immédiates et tangibles avec des efforts visant à modifier les systèmes qui perpétuent l’inégalité. Cet état d’esprit a directement influencé mon approche de l’itinérance. À End Homelessness Winnipeg, par exemple, nous croyons au modèle du « logement d’abord », qui donne la priorité à l’obtention d’un logement stable, puis à l’offre d’un soutien pour résoudre d’autres problèmes. Il s’agit d’une approche plus holistique et durable de la lutte contre l’itinérance, qui tient compte à la fois des besoins immédiats et des problèmes systémiques auxquels les personnes sont confrontées.
Vena : Qu’est-ce qui vous a mobilisé au cours de la première année en tant que membre du CA représentant les communautés autochtones et présidente du Caucus autochtone à l’Association canadienne d’habitation et de rénovation urbaine (ACHRU) ?
Jackie : Lorsque je me suis jointe au conseil d’administration de l’ACHRU et que j’ai assumé le rôle de présidente du Caucus autochtone, j’ai rapidement réalisé qu’il y avait beaucoup à apprendre. Au cours de l’année, je me suis efforcée de comprendre l’ensemble des besoins en matière de logement autochtone en participant à des discussions nationales sur la défense des droits et en discutant avec des homologues dans tout le pays. Ces conversations m’ont aidé à comprendre les défis uniques auxquels sont confrontées les communautés autochtones en matière de logement.
Étant donné que je me concentre sur la lutte contre l’itinérance, j’apporte un point de vue qui peut différer de celui des fournisseurs de logements traditionnels, et je pense que cela aidera le Caucus à aborder les questions d’un point de vue plus large.
Au cours de la dernière décennie, le Caucus autochtone s’est engagé dans le développement et l’établissement de NICHI, une organisation qui est devenue un élément crucial du secteur du logement. Cependant, une fois le projet NICHI mis en place, la question qui a suivi était : « Quelle sera la prochaine étape ? » Nous avons donc consacré beaucoup de temps et d’efforts à réévaluer notre orientation stratégique, dans le but de mieux répondre aux besoins actuels et futurs de nos membres.
Vena : Le Caucus autochtone a insisté sur la nécessité d’une action immédiate en matière de logement autochtone. Pourriez-vous nous en dire plus sur ces efforts et sur les progrès accomplis ?
Jackie : Le Caucus autochtone a activement revendiqué une action immédiate pour résoudre la crise du logement autochtone. Ce processus a donné lieu à des discussions approfondies sur la manière dont nous pouvons défendre et soutenir plus efficacement le logement autochtone dans tout le pays, en veillant non seulement à répondre aux préoccupations immédiates, mais aussi à jeter les bases de solutions à long terme. Une partie importante de notre travail a consisté à demander au gouvernement fédéral de débloquer les 2,8 milliards de dollars restants des fonds promis pour le logement. Le Caucus a clairement indiqué que ces fonds doivent être alloués et nous demandons activement au gouvernement d’annoncer l’organisation responsable de leur distribution. Il s’agit d’une étape essentielle pour que les ressources promises soient enfin mises en œuvre afin de résoudre la crise du logement dans les communautés autochtones.
Alors que nous nous préparons pour les élections et le prochain gouvernement, l’ACHRU a établi des priorités pour lesquelles nous ferons pression au cours de ce cycle électoral. Nous continuerons à faire pression sur le gouvernement en place pour qu’il fasse du logement autochtone une de ses priorités.
Vena : En tant que directrice principale de la stratégie et de l’impact à End Homelessness Winnipeg, quels sont vos principaux objectifs et comment comptez-vous les atteindre ?
Jackie : End Homelessness Winnipeg est une organisation autochtone de renforcement des capacités qui se consacre à la création de solutions durables et à long terme pour mettre fin à l’itinérance chronique. En tant que directrice principale de la stratégie et de l’impact, mon rôle consiste à veiller à ce que nos efforts reposent sur des stratégies fondées sur des données probantes. Je travaille en étroite collaboration avec les gestionnaires de nos quatre piliers, l’offre de logement, la prévention, les soutiens centrés sur la personne, et l’évaluation et la mesure, pour veiller à ce que leur travail fasse progresser notre objectif de mettre fin à l’itinérance chronique. Nous nous appuyons sur des partenariats communautaires solides, une recherche continue, une analyse des données et un engagement en faveur d’un changement systémique. Au cœur de notre approche se trouve l’importance accordée aux personnes qui ont vécu l’itinérance ; leurs points de vue sont cruciaux pour susciter des changements significatifs et durables.
Vena : Quels conseils donneriez-vous aux leaders émergents des communautés autochtones qui aspirent à faire évoluer le secteur du logement et des services sociaux ?
Jackie : Je vous invite à ancrer votre travail dans la culture et la tradition. En tant que femme métisse, je suis encore en train d’apprendre la profondeur de ces éléments dans mon propre parcours, mais j’en suis venue à réaliser l’immense valeur des enseignements autochtones. Comprendre notre histoire nous permettra de créer des changements significatifs à l’avenir.
La collaboration et les partenariats solides sont essentiels au leadership. Reconnaître que vous ne pouvez pas faire ce travail seul est nécessaire pour trouver le soutien dont vous avez besoin pour réussir. Établissez des partenariats respectueux avec les organismes gouvernementaux, les organisations à but non lucratif et d’autres organisations dirigées par des Autochtones. Travailler ensemble avec des intentions communes mènera à un plus grand succès.
Ne vous concentrez pas uniquement sur les défis immédiats, mais plutôt sur l’avenir. S’engager à créer des solutions durables, axées sur la collectivité, qui s’attaquent aux causes profondes de l’insécurité du logement et des problèmes sociaux. La construction de logements n’est qu’une partie de la solution ; nous devons également créer des options de logement diversifiées et culturellement adaptées, avec les aides nécessaires en place. Ce travail prend du temps, c’est pourquoi vous devez garder à l’esprit votre vision à long terme afin de ne pas perdre de vue l’ensemble de la situation.
Plaidez avec persévérance pour le travail que vous faites. Tenez les gouvernements responsables de leur rôle dans la résolution de la crise du logement. Que ce soit au moyen de campagnes publiques, d’alliances ou d’un engagement dans les processus politiques, soyez créatif et persévérant dans votre revendication. Enfin, n’oubliez pas que le leadership, c’est aussi l’enseignement. La prochaine génération nous observe et l’avenir de notre secteur repose sur elle. Partagez vos connaissances, encouragez la croissance et aidez les autres à découvrir leurs propres forces. Favorisez les occasions pour votre équipe de s’épanouir. Qui sait ce qui peut émerger lorsque vous leur donnez l’espace nécessaire pour se développer ?
Vena : Quelle est votre vision du logement autochtone et de l’itinérance au Canada au cours de la prochaine décennie ?
Jackie : Pour ce qui est de l’avenir, ma vision du logement autochtone et de l’itinérance au Canada au cours de la prochaine décennie est celle d’un changement transformateur, motivé par l’autodétermination, le respect culturel et la viabilité à long terme. J’imagine un avenir où les collectivités autochtones, tant dans les réserves que dans les zones urbaines, auront accès à des logements sûrs, abordables et adaptés à leur culture, des logements qui ne se contentent pas de fournir un abri, mais qui favorisent la santé, la guérison et le bien-être des individus et des familles. Il est essentiel que les peuples autochtones soient à l’avant-garde du processus décisionnel, afin que les solutions soient élaborées pour les Autochtones, par les Autochtones, qu’elles soient véritablement durables et qu’elles répondent aux besoins de nos collectivités.
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