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Éliminer les obstacles à la construction de logements abordables : Les arguments en faveur de l’exemption des frais d’aménagement

22 Fév 2024

Guest Author

Megan Golfetto, coordinatrice de projets, Hébergement femmes Canada

Tout le monde, au Canada, a entendu parler de la grave crise du logement que traverse le pays. Entre 2011 et 2016, pour chaque nouveau logement locatif abordable créé, seize ont été perdus. Avec une demande accrue, une offre limitée et en baisse, et une accessibilité insaisissable, le droit humain fondamental au logement reste hors de portée pour de nombreuses personnes vivant au Canada. La création de logements abordables, adéquats et dignes n’a jamais été aussi cruciale.

Les promoteurs de logements abordables et les fournisseurs de logements sans but lucratif travaillent d’arrache-pied pour répondre aux besoins en matière de logement, mais ils se heurtent souvent à des obstacles qui les empêchent de mener à bien leurs projets.

Les frais municipaux facturés aux promoteurs, en particulier aux promoteurs à but non lucratif, constituent l’un de ces obstacles. Bien qu’il soit important que les municipalités génèrent des revenus pour soutenir la vitalité de la collectivité, les frais facturés ne font qu’ajouter aux nombreux défis auxquels sont confrontés les fournisseurs de logements à but non lucratif lorsqu’ils tentent de construire des logements locatifs plus abordables.

Les municipalités jouent un rôle crucial dans la résolution de la crise du logement abordable. L’un des moyens d’encourager la construction de ces logements est de renoncer aux frais d’aménagement et aux frais connexes en ce qui les concerne.

 

Quels sont les frais d’aménagement ?

 Les frais d’aménagement, également appelés redevances sur les coûts de développement, redevances d’aménagement hors site ou taxes d’aménagement dans différentes régions, sont des taxes imposées par une municipalité lorsqu’un promoteur construit sur un terrain situé sur son territoire. Ces redevances sont destinées à compenser les coûts liés à l’augmentation des services municipaux et des infrastructures nécessaires au nouveau développement. La municipalité utilise les redevances d’aménagement pour payer des éléments tels que l’eau, la gestion des déchets, les routes, les bibliothèques, les parcs, les écoles ou les centres de loisirs qui desservent le nouveau développement.

 

Pourquoi renoncer aux redevances d’aménagement ?

 Les redevances d’aménagement sont coûteuses. Elles peuvent représenter jusqu’à 20 % des coûts totaux d’investissement pour les projets résidentiels, ce qui peut faire le succès ou l’échec d’un projet. Pour les fournisseurs de logements à but non lucratif, en particulier ceux qui ont le statut d’organisme de bienfaisance, ces redevances représentent une charge financière importante, étant donné que nombre d’entre eux n’ont pas de fonds excédentaires disponibles pour des projets en dehors de leurs services et programmes habituels. L’exonération des redevances d’aménagement et des taxes municipales allège le fardeau financier des organismes sans but lucratif, ce qui aide non seulement les projets à atteindre la viabilité financière, mais permet aussi d’augmenter le nombre de logements abordables dans la collectivité.

Les fournisseurs de logements abordables à but non lucratif répondent à un besoin important des collectivités en cette période de crise. Si la crise de l’accessibilité touche tous les ménages du pays, les étudiants, les nouveaux arrivants, les personnes âgées, les femmes et les enfants fuyant la violence, les 2ELGBTQI+, les personnes handicapées et les communautés noires, autochtones et racialisées sont les plus touchés. En tant que voix nationale sur la question de la violence à l’égard des femmes, Hébergement femmes Canada (HFC) a appris les effets dévastateurs de cette crise du logement sur les femmes et les enfants fuyant la violence par les organisations de refuges à travers le pays. HFC plaide en faveur d’un plus grand nombre de logements abordables pour les survivants de la violence et implore les municipalités de démontrer leur engagement à loger les personnes qui en ont le plus besoin. Les dérogations aux redevances d’aménagement sont un moyen d’y parvenir, car elles encouragent la création de logements locatifs abordables et soutiennent les personnes les plus exposées à la précarité du logement.

 

L’exonération des redevances d’aménagement dans la pratique

Les responsables des trois ordres de gouvernement reconnaissent l’importance et l’efficacité des dérogations aux redevances d’aménagement pour contribuer à la construction de logements abordables.

Au fédéral, la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL) a publié un texte détaillant les meilleures pratiques et les stratégies permettant aux municipalités de stimuler l’offre de logements et leur accessibilité. L’une des recommandations de la SCHL invite les municipalités à revoir leurs barèmes de droits d’aménagement et à s’efforcer d’inclure des dérogations à ces droits.

À l’échelle provinciale et territoriale, les gouvernements recommandent également de renoncer aux droits d’aménagement dans leurs stratégies, programmes et lois sur le logement abordable.

  • En mai 2023, le gouvernement de la Colombie-Britannique a annoncé son plan Homes for People pour résoudre la crise du logement. La Colombie-Britannique s’engage à éliminer les obstacles, à réduire les coûts de développement, à supprimer les formalités administratives et à accélérer les approbations afin que davantage de logements puissent être construits.
  • En juillet 2023, le gouvernement de l’Alberta a annoncé son programme de partenariat pour le logement abordable (AHPP), en accord avec la stratégie de la province visant à améliorer et à développer le logement abordable. Le programme recommande aux municipalités de contribuer à la création de ces logements par le biais de subventions, de contributions foncières et de la renonciation aux frais d’aménagement afin de réduire les obstacles qui viennent avec le développement de logements abordables.
  • En vertu de la Loi visant à accélérer la construction de plus de logements , adoptée en novembre 2022 pour modifier la Loi sur l’aménagement du territoire (1997), le gouvernement de l’Ontario exempte les logements abordables, les logements sans but lucratif et les unités de zonage d’inclusion des redevances d’aménagement, des droits d’affectation de terrains à des fins de parc et des redevances pour les avantages communautaires.
  • En octobre 2023, le gouvernement de la Nouvelle-Écosse publie Our Homes, Action for Housing et s’engage à geler temporairement, pendant deux ans, tous les permis municipaux et les redevances d’aménagement pour les projets de logement.

De nombreuses municipalités urbaines et rurales du Canada ont déjà mis en place des règlements et des politiques visant à renoncer aux redevances d’aménagement et aux droits de construction ou à offrir des incitations financières pour compenser les coûts d’aménagement des projets de logements abordables. En voici quelques exemples.

 

Colombie-Britannique

 

Alberta

 

Saskatchewan

 

Manitoba

 

Ontario

 

Québec

Note : En 2017, la province de Québec a adopté la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme qui permet aux municipalités d’imposer des frais d’aménagement aux demandeurs de permis de construire afin de financer l’augmentation des services municipaux. À ce jour, seules quelques municipalités ont adopté des règlements ou des politiques visant à imposer des droits d’aménagement, et certaines indiquent des exemptions.

 

Nouveau-Brunswick

Note : Les municipalités du Nouveau-Brunswick n’imposent généralement pas de frais d’aménagement. Bien qu’il s’agisse d’une excellente nouvelle pour les promoteurs et les fournisseurs de logements abordables, les municipalités ont encore la possibilité de renoncer aux frais de permis de construire et de planification pour ces projets. Les exemples ci-dessous sont ceux de municipalités qui ont adopté des lois pour rembourser ces frais de permis et de planification pour les projets de logements abordables.

 

Nouvelle-Écosse

Note : Après des recherches approfondies et la consultation de plusieurs collègues dans la province, les municipalités de Nouvelle-Écosse n’ont pas de législation en place pour renoncer aux redevances d’aménagement. L’exemple fourni ci-dessous est celui d’une municipalité qui renonce aux frais de construction liés à la municipalité, y compris les permis de construire, l’approbation du lotissement, l’approbation discrétionnaire, les dérogations et les approbations de plans d’implantation.

 

Île-du-Prince-Édouard

 

Terre-Neuve-et-Labrador

 

Le Nord

 

Ce levier financier a été de plus en plus utilisé ces dernières années, alors que la crise du logement s’aggrave dans le pays. Les responsables fédéraux, provinciaux et municipaux reconnaissent l’obstacle que représentent les redevances d’aménagement pour la création de logements locatifs abordables et s’emploient activement à renoncer officiellement à ces redevances pour les projets qui répondent aux besoins de logement de la population dans tout le pays.

Le Canada est confronté à une crise du logement de grande ampleur. Si tous les projets de construction de logements sont coûteux, cela est particulièrement vrai pour les projets de logements abordables construits pour durer. Les redevances d’aménagement imposées à ces types de projets exacerbent ce qui est déjà un exploit financier difficile pour les fournisseurs de logements abordables à but non lucratif. Pour remédier à cette crise, les redevances d’aménagement et les taxes municipales devraient être supprimées pour les fournisseurs de logements sans but lucratif et les promoteurs qui proposent des loyers abordables. Les municipalités ont la responsabilité de mettre en œuvre officiellement ce mécanisme à une époque où la crise du logement est grave, en particulier pour les groupes les plus touchés par la précarité du logement.

 

Ce texte, sur notre blogue, provient d’Hébergement femmes Canada