ACHRU – Mémoire au Comité permanent des finances consultations prébudgétaires, budget 2018 – Août 2017

L’association canadienne d’habitation et de rénovation urbaine est la porte-parole de l’ensemble du secteur de l’habitation abordable au Canada. Nos membres comprennent des gestionnaires de logements sociaux et de logements sans but lucratif, des organisations de lutte à l’itinérance, des coopératives, des ministères provinciaux ou territoriaux responsables de l’habitation, des municipalités sympathisantes, des individus, des entreprises et des associations sans but lucratif.

L’ampleur du défi

Quelque 600 000 logements sociaux et abordables répondent aux besoins en habitation de plus de un million de Canadiens. Ils permettent à des personnes et à des familles de vivre, de travailler et de se détendre dans des maisons qu’ils n’auraient pu s’offrir autrement. En dépit des investissements consentis dans les budgets 2016 et 2017, le déclin de l’appui fédéral au logement social depuis le milieu des années 1990 préoccupe le secteur qui se demande s’il pourra faire face aux besoins croissants des locataires. Voici un rapide survol des données qui nous interpellent :

  • Durant les 25 dernières années, la population canadienne a augmenté de 30 % alors que l’investissement annuel dans le logement abordable déclinait de 46 %.
  • Des conventions d’exploitation sont déjà expirées : en 2040, l’investissement fédéral dans le logement abordable aura disparu.
  • Près de 235 000 Canadiens connaîtront une période d’itinérance cette année.
  • Le président et premier dirigeant de la Société d’hypothèques et de logement déclarait, en juin 2017, que 26,4 % des locataires canadiens dépensent plus de 30 % de leur revenu avant taxes pour leur logement (30 % du revenu est considéré comme indice de mesure de l’abordabilité du logement).
  • Une étude récente évalue que les besoins annuels en capitaux pour le logement social se situent entre 8,4 et 13,6 milliards de dollars.

La situation des autochtones, particulièrement ceux qui vivent dans des milieux urbains et ruraux, est encore plus inquiétante. En voici quelques exemples :

  • 22 % de ceux-ci habitent des endroits qui ne sont pas considérés comme adéquats alors que cette situation est vécue par 13 % de tous les ménages canadiens.
  • 1 autochtone sur 15 en milieu urbain va connaître une situation d’itinérance alors que cela représente 1 personne sur 128 dans la population en général.
  • Plus de 20 % des autochtones qui ne vivent pas dans les réserves ont besoin de logements. Cette proportion s’élève à 12,4 % chez les non-autochtones.

Le gouvernement fédéral a confirmé dans le budget 2017 que la Stratégie pancanadienne de l’habitation sera dévoilée à l’automne 2017. Dans ce contexte, l’ACHRU réaffirme sa conviction qu’il ne peut y avoir de Stratégie canadienne de l’habitation sans un volet explicitement dédié aux autochtones et visant à élever le niveau de qualité standard de l’habitation des autochtones à celui de la population non autochtone.

 

Développements récents

L’ACHRU réclame avec énergie un leadership fédéral dans le secteur du logement abordable. Dans les deux dernières années, nos efforts ont porté sur le développement du cadre de la Stratégie pancanadienne de l’habitation. En octobre 2016, à la suite de l’annonce par le ministre Jean-Yves Duclos de la consultation pancanadienne sur la Stratégie de l’habitation, l’ACHRU a travaillé avec ses membres, son Caucus autochtone, et les autres intervenants canadiens en habitation pour élaborer une vision et une réflexion qui guident le développement de cette stratégie. Notre rapport, Le logement à la croisée des chemins : la vision de l’ACHRU pour la prochaine génération de politiques du logement au Canada contient des recommandations pour améliorer plusieurs aspects essentiels de la politique pancanadienne d’habitation.

Dans son budget 2017, le gouvernement fédéral a annoncé 11,2 milliards de dollars en nouvel investissement sur les 11 prochaines années pour le logement social et abordable. L’investissement le plus important du budget 2017. De plus, le budget formule l’engagement de réinvestir dans le secteur de l’habitation les sommes qui autrement auraient disparu avec la fin des conventions d’exploitation, sommes qui, selon certaines estimations, pourraient représenter entre 4,5 et 5 milliards de dollars. Plusieurs des éléments du budget 2017 concernant le logement social et abordable s’inspirent étroitement des recommandations de l’ACHRU. Toutefois, un certain nombre de programmes et certaines annonces ne seront pas explicités tant que la Stratégie canadienne de l’habitation ne sera pas dévoilée, ce qui devrait être fait à l’automne 2017.

En juin 2017, l’ACHRU a publié deux documents sur la Stratégie canadienne de l’habitation contenant des recommandations quant à la mise en œuvre de ces programmes. Le premier comprend des propositions liées aux programmes et annonces sur l’habitation du budget 2017. Le second vise à offrir un cadre pour une stratégie de l’habitation dédiée aux autochtones vivant en milieux rural et urbain, et il a été conçu avec la contribution et la supervision du Caucus autochtone de l’ACHRU.

 

Recommandations

L’ACHRU aimerait réitérer aux membres du Comité permanent des finances certaines recommandations incluses dans les documents de juin 2017. Quoique plusieurs de ces propositions sont liées aux mesures contenues dans le budget 2017 et dans la Stratégie pancanadienne de l’habitation à venir, elles s’appliquent aussi à l’élaboration du budget 2018 :

  1. Inclure dans le nouveau Fonds canadien sur le logement un mécanisme de financement dédié aux réparations et rénovations du parc de logements sociaux :
    Obtenir les fonds nécessaires aux réparations et à l’entretien différé (pour maintenir et régénérer le parc de logements existant) demeure une préoccupation majeure des membres de l’ACHRU partout au Canada. Le mémoire de l’ACHRU présenté en octobre 2016 identifie plusieurs modèles pour la création d’une autorité financière dévolue au renouvellement du parc existant. Structuré de façon adéquate, l’investissement fédéral initial dans pareil mécanisme pourrait servir de levier à l’obtention de fonds additionnels répondant aux besoins d’immobilisations, ce qui augmenterait d’autant les ressources disponibles. Les modèles présentés incluent l’Autorité financière en habitation du Canada, et les modèles Permaloge ou VaLoCom provenant du Québec. L’ACHRU fournira avec plaisir des renseignements sur ces modèles.
  2. Intégrer au Fonds canadien sur le logement un mécanisme pour le financement de l’ajout de logements sociaux et abordables :
    Comme dans la recommandation précédente, un mécanisme financier devrait être créé pour permettre l’augmentation de l’offre de logement social et abordable, en particulier pour les projets qui mettent en œuvre des modèles d’exploitation innovant et viable ou qui offrent des programmes de soutien communautaire aux résidents. Encore là, l’ACHRU a identifié des exemples possibles de ce mécanisme dans son mémoire soumis en octobre 2016. L’ACHRU considère qu’un mécanisme pour augmenter l’offre de logements pourrait prendre la forme de subventions ou de prêts préférentiels et pourrait servir de levier pour garantir la sécurité de l’ensemble de l’investissement dans la croissance du parc.
  3. Créer un programme de subventions pour offrir des loyers en fonction des revenus pour les locataires vivant dans des logements sociaux, des coopératives ou des logements gérés par des organismes sans but lucratif :
    Ces fonds devraient permettre de garantir le supplément au loyer pour les locataires dans le besoin et d’augmenter le nombre de logements qui en bénéficient. L’ACHRU croit que de telles subventions doivent être déterminées en fonction du territoire, pour procurer au locataire la pleine valeur de la subvention, tout en protégeant le parc existant de logement social et limitant les impacts inflationnistes potentiels. Le programme fédéral devrait établir les niveaux de subvention à un taux en fonction du véritable loyer économique de la région concerné et il devrait s’ajuster aux programmes provinciaux et municipaux existants d’assistance sociale et d’aide au logement.

    L’engagement, pris dans le budget 2017, de maintenir les fonds qui autrement seraient libérés par la fin des conventions d’exploitation, soit environ de 4 à 5 milliards de dollars sur 11 ans, devraient servir à financer ces trois programmes. Toutefois, compte tenu de l’importance des besoins à travers le Canada, l’ACHRU recommande que le budget 2018 augmente les fonds disponibles pour ces programmes au-dessus et plus largement que les niveaux initialement prévus dans le budget 2017.
     

  4. Créer une Stratégie de l’habitation urbaine et rurale pour les autochtones, avec les investissements requis :

Le budget 2017 réserve 225 millions de dollars sur 11 ans aux gestionnaires de logements pour les autochtones qui n’habitent pas sur des réserves, ce qui était une recommandation majeure de l’ACHRU dans son mémoire pour les consultations sur la Stratégie canadienne de l’habitation. Cet investissement représente un peu plus de 20 millions de dollars par année, ce qui, quoiqu’utile, est insuffisant pour faire face aux besoins pressants et spécifiques auxquels fait face le secteur du logement autochtone. L’ACHRU maintient la recommandation faite dans le mémoire de juin 2017 ; une Stratégie de l’habitation autochtone doit être dévoilée de concert avec la Stratégie pancanadienne de l’habitation, et son financement doit être considérablement accru. L’ACHRU a identifié des éléments devant faire partie de la Stratégie canadienne d’habitation autochtone. En voici quelques-uns :

  • Fournir les fonds nécessaires aux réparations et à la régénération des habitations pour les autochtones.
  • Fournir un soutien au locataire pour maintenir un loyer abordable.
  • Élargir le volet autochtone de la Stratégie des partenariats de lutte contre l’itinérance (SPLI).
  • Donner plus d’ampleur à l’engagement fédéral contenu dans le budget 2017 d’utiliser l’Initiative visant à mettre des biens immobiliers excédentaires fédéraux à la disposition des sans-abri pour permettre des partenariats avec les provinces et les municipalités afin d’augmenter l’accès aux terrains disponibles à la lumière du fait que les gestionnaires de logements autochtones sont situés dans des petites villes ou des communautés rurales.
  • Consacrer une partie des nouvelles sommes dédiées à la recherche sur l’habitation du budget 2017 à la recherche sur les enjeux de l’habitation pour les autochtones.
  • Permettre le cumul de subventions pour que les gestionnaires de logements pour les autochtones soient admissibles à plusieurs programmes fédéraux.

Conclusion

L’ACHRU salue cette occasion de présenter ses recommandations au Comité permanent des finances. Elle se réjouit de la volonté du gouvernement fédéral de renforcer le secteur du logement social, abordable et sans but lucratif canadien. Elle continuera de travailler avec les fonctionnaires fédéraux à l’implantation des mesures du budget 2017 et de celles qui seront contenues dans la Stratégie pancanadienne de l’habitation. Le budget 2018 offre l’occasion de construire sur la base des investissements inclus dans les budgets précédents.

Le gouvernement fédéral a l’occasion, grâce à des investissements continus en habitation, d’atteindre, en 2035, l’objectif de donner à chaque personne vivant au Canada l’accès à un logement décent, abordable et durable. La promulgation de la Stratégie canadienne de l’habitation et de la Stratégie autochtone de l’habitation présente la possibilité de faire face à plusieurs enjeux structurels et persistants auxquels sont confrontés les gestionnaires et, plus important encore, leurs locataires. Dans cet esprit, l’ACHRU espère grandement continuer d’échanger avec les membres du comité sur ces stratégies à long terme, une fois qu’elles seront finalisées.